Les communautés de retraite naturelles peuvent aider les aînés à vieillir chez eux
Par Kim Barnhardt
Un rapport d’étape impressionnant de la troisième année du Women’s Age Lab
Imaginez passer votre retraite non pas dans un centre d’hébergement, mais dans un appartement ou un condo au sein de la communauté qui est votre « chez vous » depuis des décennies. Vieillir en ville pourrait beaucoup changer si la Dre Paula Rochon et son équipe réussissent ce qu’elles ont entrepris. Gériatre et directrice du Women’s Age Lab à l’Hôpital Women’s College et professeure de médecine à l’Université de Toronto, la Dre Rochon est une experte du vieillissement, en particulier des femmes, qui constituent la majorité des aînés, mais dont les besoins particuliers ne sont souvent pas pris en compte. La Dre Rochon et son équipe de chercheurs et de cliniciens, composée de gériatres, de gérontologues, d’épidémiologistes et d’analystes statistiques, travaillent à améliorer la vie des aînés en utilisant la science pour transformer les soins et la pratique, ainsi que pour promouvoir le changement social et la transformation du système de santé.
La Dre Rochon et son équipe s’intéressent particulièrement à la manière d’intégrer le sexe, le genre et d’autres déterminants de la santé dans la recherche, ce pour quoi le Service de soutien à la recherche sur le sexe et le genre plus de l’Hôpital Women’s College, qui est aussi un centre de recherche de l’USSO, joue un rôle clé en Ontario.
« Notre travail vise à attirer l’attention sur les femmes âgées, qu’on oublie souvent dans les discussions, malgré leur nombre », indique la Dre Rochon.
L’un des domaines de recherche sur lesquels son équipe travaille actuellement, en collaboration avec Rachel Savage, Ph. D., a trait au logement, aux liens sociaux et au rôle des communautés de retraite naturelles, où une forte proportion de personnes âgées sont établies depuis des décennies et y vivent encore. Leurs recherches ont pour but de trouver des façons d’aider les gens à vieillir au meilleur endroit pour eux, ce qui est généralement à leur domicile. L’équipe espère ainsi changer notre conception de la vie à la retraite.
« Un des sujets concerne les communautés de retraite naturelles où les gens vivent souvent dans des appartements et des condos et peuvent nécessiter diverses formes de soutien. Grâce au financement des IRSC et de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), nous étudions les immeubles comptant une proportion importante — au moins 30 % — de personnes âgées, souvent pour la plupart des femmes, et cherchons à savoir comment mettre en place des formes de soutien et des services pour les aider à y rester », explique la Dre Rochon.
Elle souligne qu’il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte, en particulier pour les femmes, et que les modalités de soutien doivent être adaptées selon les caractéristiques de chaque bâtiment.
L’équipe utilise un modèle de type « ambassadeur » selon lequel les chercheurs consultent les personnes âgées pour savoir ce qu’elles aimeraient avoir dans leur communauté, qu’il s’agisse de clubs de lecture, d’échanges autour d’un café, de jardinage, de marche, ou d’autres choses. Les activités sociales et physiques, essentielles à la santé et aux liens sociaux, peuvent accroître la participation et améliorer la nutrition. En collaboration avec le Centre d’innovation des communautés de retraite naturelle du Réseau universitaire de santé (RUS), qui se rend dans les immeubles pour aider à mettre en place des systèmes de soutien, ainsi qu’avec des partenaires comme les administrations municipales de Toronto et de Barrie, l’organisme d’aide au logement Barrie Housing, les bibliothèques de Toronto et de Barrie et bien d’autres, l’équipe évalue les diverses approches pour déterminer les solutions optimales.
« C’est un modèle qu’il est important d’étudier, puisqu’un nombre beaucoup plus important de personnes vivent au sein de la communauté plutôt que dans des résidences pour aînés », affirme la Dre Rochon.
En plus des liens verticaux entre voisins d’étages qui peuvent s’établir entre les résidents de tours d’habitation, les personnes vivant dans des communautés comme l’île Gabriola, en Colombie-Britannique, où un grand nombre de personnes âgées vivent dans des habitations de faible hauteur, créent des liens horizontaux entre voisins de balcon.
« C’est un excellent moyen de développer un esprit communautaire — et c’est précisément ce que nous cherchons à réaliser, permettre aux voisins de tisser des liens et de s’entraider », ajoute-t-elle.
Ces communautés de personnes âgées peuvent faciliter l’accès aux services et optimiser la prestation des soins à domicile et d’autres formes de soutien. En effet, une petite équipe de personnel soignant pourrait prendre en charge plusieurs résidents en un même lieu. À la différence des résidences spécialisées pour personnes âgées, ces immeubles et communautés, bien qu’ayant une forte proportion d’aînés, auront toujours des résidents d’âges différents, ce qui favorise les liens intergénérationnels.
La Dre Rochon cite l’exemple des Pays-Bas, où la densité urbaine et l’architecture contribuent à façonner et à renforcer le tissu social.
« Tout est si dense là-bas : les maisons sont plus petites, les portes sont plus rapprochées avec les maisons en rangée, tout est accessible à pied, et la proximité des fenêtres multiplie les occasions d’interactions sociales », dit-elle. « Et les vélos sont omniprésents — jeunes et moins jeunes, tout le monde est à vélo, donc les gens sont plus actifs physiquement, cela fait partie du mode de vie. »
L’aménagement urbain offre d’autres éléments favorables, notamment les marchés de quartier et les immeubles d’habitation intégrés au-dessus de commerces de proximité accessibles. Cette configuration favorise naturellement l’activité physique et les interactions sociales pour l’ensemble de la population, et elle a des bénéfices particulièrement notables pour les personnes âgées.
Au-delà de ces recherches prometteuses sur le vieillissement réussi chez soi, l’équipe du Women’s Age Lab poursuit son travail avec l’USSO pour intégrer les considérations de sexe, de genre et d’âge dans la recherche en Ontario. Élaborée sous la direction de la Dre Robin Mason et de Joyce Li, M. Sc., et financée par l’USSO, avec le soutien d’Action contre le diabète Canada, la nouvelle trousse de recherche du centre, « Ce qui est compté compte » (What Gets Counted Counts), vise à aider les chercheurs à intégrer l’analyse comparative fondée sur le sexe et le genre plus (ACSG Plus) dans la recherche en santé.