« L’expérience vécue est riche d’enseignements »
L’importance d’inclure les aînés dans la recherche et les politiques en matière de santé
Que peut-on faire pour aider les aînés à vieillir dans le confort de leur domicile? Quelles sont les préoccupations des gens de ce groupe d’âge? Comment peut-on leur assurer l’équité? Quelles améliorations peuvent être apportées au système de santé pour mieux répondre à leurs besoins?
Voilà les questions auxquelles cherche à répondre la Collaboration McMaster pour la santé et le vieillissement, le seul centre de recherche de l’USSO entièrement consacré aux aînés. Celle-ci apporte une perspective unique, en partant du principe que les personnes âgées doivent être placées au cœur de la recherche en santé visant à répondre à leurs besoins.
« Il n’y a aucune raison pour qu’une personne âgée ne puisse pas faire partie d’une équipe de recherche », souligne Michael Kirk, patient et aidant partenaire contribuant aux projets de recherche de la Collaboration grâce à sa vaste expérience de vie. « Les aînés apportent une expertise importante. L’expérience vécue est riche d’enseignements. »
Diagnostiqué séropositif en 1994, l’homme de 76 a acquis une grande connaissance du système de santé au fil de multiples pharmacothérapies contre le VIH et de problèmes de santé personnels, et aussi comme aidant de son partenaire. Son travail de promotion de la santé, entrepris il y a plus de 20 ans, s’est accéléré après sa retraite, lorsqu’il s’est impliqué dans le réseau de lutte contre le sida. Ce réseau s’était associé au programme de physiothérapie de l’Université McMaster à Hamilton, en Ontario, pour donner la chance aux étudiants d’interagir avec de vrais patients, comme lui, et il en fait encore partie.
Mike a commencé à travailler avec la Collaboration il y a environ 18 mois, lorsque l’occasion de devenir un de ses patients partenaires s’est présentée à lui. Il a compris qu’il pouvait faire une différence dans les projets de recherche. Ses dix années d’expérience à la Fondation Trillium de l’Ontario, un organisme subventionnaire, sont un atout pour les équipes de recherche.
« Depuis 1994, je contribue de façon très proactive au bassin de connaissances pour faire en sorte que ceux qui me suivent puissent obtenir un meilleur traitement, et les chercheurs, poser de meilleures questions », indique Mike. « Je vieillis, et mon partenaire aussi. Il a eu un accident vasculaire cérébral mineur et fait de l’épilepsie, et souffre maintenant du Parkinson; nous essayons de jongler quotidiennement avec toutes ces maladies, qui sont chacune très différentes. Je veux redonner aux chercheurs en les aidant à savoir quelles questions poser pour offrir de meilleurs soins aux gens et aider les ménages et les familles. »
En plus de mobiliser les aînés et les aidants à titre de partenaires de recherche, la Collaboration McMaster pour la santé et le vieillissement met aussi l’accent sur le mentorat et le perfectionnement des compétences des jeunes chercheurs pour leur apprendre comment inclure de façon significative les aînés et les aidants dans leurs études.
« Notre travail consiste à renseigner et à transformer le système de santé. Il est crucial que les aînés participent à la recherche en santé », indique la Dre Brenda Vrkljan, professeure d’ergothérapie et codirectrice de la Collaboration avec la Dre Rebecca Ganann, professeure agrégée en soins infirmiers. « Au cœur de la recherche et des politiques de santé, il y a les personnes. Nous travaillons avec les stagiaires pour leur faire comprendre le rôle des personnes âgées en tant que partenaires dans leur recherche. »
Le respect des aînés fait partie intégrante du travail de la Collaboration.
« L’essentiel dans ce que nous faisons, c’est de reconnaître l’expertise et la valeur qu’apportent les aînés partenaires, leur grande expertise et leur riche expérience de vie pouvant guider des programmes particuliers et la recherche », ajoute la Dre Rebecca Ganann, qui est également une chercheuse en début de carrière.
Le 13 mars 2023, lors de son forum sur les politiques, la Collaboration McMaster a attiré l’attention sur le projet EMBOLDEN comme exemple de la façon dont les chercheurs peuvent établir des partenariats avec des aînés pour concevoir, exécuter et surveiller conjointement la recherche interventionnelle. L’équipe d’EMBOLDEN a élaboré en collaboration un nouveau programme intégré de soins de santé et de services sociaux pour améliorer la mobilité, l’alimentation et la participation sociale et communautaire des aînés vivant en zones urbaines à risque élevé. Le projet vise à aider les personnes âgées qui ont de la difficulté à accéder aux programmes communautaires locaux en raison des coûts ou de problèmes liés à la mobilité, aux inégalités et à l’isolement en éliminant ces obstacles. Le forum a aussi mis en lumière un programme communautaire de prévention du diabète dont le but est d’aider les aînés et les aidants à gérer eux-mêmes leur maladie chronique, une initiative de soins transitoires pour les personnes âgées victimes d’un AVC et des modèles de soins palliatifs novateurs.
L’une des priorités pour la plupart des aînés est de pouvoir rester dans la collectivité le plus longtemps possible. Toutefois, la question de savoir comment le système de santé peut s’adapter pour les soutenir à mesure qu’ils vieillissent demeure. Les partenaires âgés et les chercheurs de la Collaboration s’entendent pour dire qu’il faut changer les façons de penser, accroître l’accès aux médecins de famille et aux soins à domicile, offrir plus de soins en équipe, et reconnaître la diversité des besoins et des circonstances des aînés. Il importe de demander aux personnes âgées ce qu’elles jugent important, de prendre en compte leurs suggestions dans la recherche et de les impliquer dans tout ceci de façon continue.
« On nous demande de réfléchir à ce qui est important pour nous en tant que bénéficiaires ultimes de ces produits de santé », indique Mike. « Ce que je souhaite n’est pas de vivre le plus longtemps possible, mais de vivre la meilleure vie possible dans le confort familial. Pas isolé. Je veux vivre dans ma propre maison, mon partenaire aussi, et nous voulons continuer de le faire aussi longtemps que nous pouvons. Il faut repenser à la façon de fournir les soins de santé pour permettre aux gens de continuer de vivre chez eux. Les personnes en santé et heureuses sont plus productives et demandent moins de ressources du système [de santé]. »
« Ce sera un enjeu majeur en raison de la pénurie de professionnels de première ligne », indique la Dre Ganann. « Lorsque leur médecin de longue date auquel elles sont attachées prend sa retraite, cela pose problème pour les personnes âgées. Bon nombre d’entre elles souffrent de maladies chroniques. Cela aura une grande incidence. Il faut tirer parti des forces d’équipes interdisciplinaires pour faire face à ce défi. Certains problèmes sont liés aux déterminants sociaux de la santé et affectent la capacité des aînés de gérer leurs problèmes de santé. »
Y a-t-il une solution miracle?
« Le secret d’un vieillissement en santé n’est pas vraiment secret », explique la Dre Vrkljan. « Ce n’est pas de la magie. Il existe des données probantes et de nouvelles données dont il faut tirer parti. Nous devons combiner les données existantes avec ce que nous enseigne l’expérience des personnes âgées et en tenir compte dans le système et les politiques en matière de santé. »
Comment aider une population vieillissante à bien vieillir? Comment peut-on assurer l’équité?
Michael Kirk, membre du groupe de partenaires âgés de la Collaboration McMaster pour la santé et le vieillissement
- « Le meilleur moyen est tout simplement de demander aux bénéficiaires finaux, aux personnes vieillissantes : comment voyez-vous votre avenir, et qu’est-ce qui pourrait être fait pour que vous vous sentiez le plus à l’aise possible? Par le passé, qu’est‑ce qui vous a rendu moins à l’aise? Faire partie du système et être entendu est extrêmement important. Demandez, puis écoutez. Un élément clé pour réussir est d’exprimer les choses dans un langage clair. Par exemple, une personne qui vient tout juste de recevoir un diagnostic de séropositivité ne saura pas pourquoi la charge virale est importante. Les gens sont extrêmement inquiets, et lorsqu’on leur parle en clinique, il est crucial d’employer un langage clair et de bien mettre les choses en contexte. »
Brenda Vrkljan, professeure d’ergothérapie et codirectrice scientifique de la Collaboration McMaster pour la santé et le vieillissement
- « C’est une question difficile. Je pense que la reconnaissance et la compréhension de l’EDI [équité, diversité et inclusion] sont devenues une réelle priorité. Nous devons reconnaître l’hétérogénéité de la population vieillissante et la mosaïque culturelle du Canada. Une personne est plus que son diagnostic et nous devons la reconnaître en tant que personne. L’hétérogénéité de la population doit être intégrée au lexique du vieillissement en santé. Bien que nous (les chercheurs) soyons souvent heureux que les personnes âgées se portent volontaires pour participer à des études, nous devons leur offrir des occasions plus inclusives de faire entendre leurs voix beaucoup plus tôt, à l’étape de l’élaboration et de la conception de l’étude, pour que leurs besoins puissent informer les innovations dans le système de santé ».
Rebecca Ganann, professeure agrégée en soins infirmiers et codirectrice scientifique de la Collaboration McMaster pour la santé et le vieillissement
- « Lorsque nous pensons à l’EDI, nous devons reconnaître les multiples identités marginalisées auxquelles les gens peuvent être confrontés. Nous devons lutter contre l’âgisme, le racisme, et la marginalisation économique. Les gens ne veulent pas sentir qu’ils ont atteint leur date d’expiration, ils veulent être respectés. Ils apprécient vraiment les possibilités de collaboration et d’apprentissage intergénérationnels. Les gens veulent faire leur part et redonner en communiquant leur expérience vécue afin d’améliorer le système de santé pour tous. »