Adopter à grande échelle les soins virtuels 2.0

L’impact sismique de la pandémie de COVID‑19 sur la manière dont les soins de santé sont fournis, soit un virage quasi instantané du mode personnel au mode virtuel, fait penser à la conduite automobile.

« Nous avons accéléré de 0 à 70 km/h très rapidement », dit le Dr Sacha Bhatia, cardiologue à l’Hôpital Women’s College (WCH), collaborateur de l’USSO et directeur de l’Institute for Health System Solutions and Virtual Care. « Nous sommes passés de moins de 1 % des soins fournis en mode virtuel à près de 70 %. Mais nous ne resterons pas là. Je pense qu’entre 40 et 50 % sera plus raisonnable. »

Malgré l’investissement considérable des gouvernements fédéral et provincial dans l’infrastructure numérique pour soutenir les soins virtuels avant la pandémie, l’adoption de cette approche restait limitée. Le coût de la consultation médicale incombait au patient – temps, déplacement vers le lieu du rendez‑vous, stationnement, transport en commun –, et les incitatifs au changement du côté des médecins étaient limités. Du moins, jusqu’à ce que la pandémie de COVID‑19 change tout.

« La pandémie a déplacé le coût du contact médical vers le patient, le fournisseur et l’établissement », dit le Dr Bhatia. « Nous avons maintenant besoin d’une infrastructure pour le tri; nous ne pouvons pas laisser les gens dans une salle d’attente pour éviter la propagation de l’infection. Le risque d’infection augmente, comme le coût de l’équipement de protection personnelle, de sorte que le coût du matériel est maintenant pris en charge par le système de santé. » Ce changement, combiné aux nouveaux codes de facturation qui ont permis aux médecins d’être payés pour la prestation de soins numériques, a accéléré le passage aux soins virtuels.

Le Dr Bhatia voit là une occasion en or pour l’USSO de remédier à certaines carences dans la recherche pour généraliser la prestation de soins virtuels, par exemple en comprenant le flux de travail clinique et la conception utilisateur optimale, la qualité des soins et leur rapport coût-efficacité, l’équité et l’accès, et l’impact des soins virtuels sur les personnes vulnérables. Cette compréhension approfondie est nécessaire à mesure que nous passons à la santé numérique 2.0, où l’expérience sera plus approfondie et adaptée aux besoins de santé des patients.

Bien que les soins numériques soient offerts par nombre d’hôpitaux, ils ne font pas encore partie d’un cadre plus large dans le système de santé. Avec son réseau de centres de recherche, son accès à l’analytique des données et ses chercheurs de talent, l’USSO peut créer une communauté de pratique multidisciplinaire en soins numériques.

Pour le Dr Bhatia, le défi réside dans le besoin de recherche pour montrer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. « L’USSO peut former un collectif de chercheurs dans ce domaine qui changera fondamentalement la façon dont nous fournirons les soins à l’avenir. »

Modifier les comportements

Inciter les gens à adopter les nouvelles technologies et à modifier leurs comportements pour un changement à grande échelle, c’est quelque chose que le Dr Noah Ivers, un collègue du Dr Bhatia, connaît bien. Médecin de famille, titulaire d’une subvention IMPACT de l’USSO et titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur la mise en application de pratiques fondées sur des données probantes, le Dr Ivers s’emploie avec les organisations de santé à déterminer quelles interventions fonctionnent pour améliorer la santé, pourquoi et pour qui.

« Aux côtés de Sacha et de son équipe en santé numérique, notre équipe en science de la mise en œuvre aide à penser à des façons dont nous pourrions amener les professionnels et les patients à adopter le comportement qu’ils voudraient les voir adopter, ce qui implique une réflexion systématique sur le changement de comportement », dit le Dr Ivers.

En partenariat avec l’USSO, le Dr Ivers espère pouvoir être une ressource pour les chercheurs qui ont des solutions numériques pour la prestation des soins virtuels sous‑utilisés.

« Lorsque les gens ont des initiatives prometteuses à faire appliquer à grande échelle, nous voulons être là pour les aider à bien faire les choses », dit-il. « Nous pouvons être là dès le début, pour les conseiller sur la manière d’intégrer des questions scientifiques cruciales sur la mise en œuvre dans leur demande de recherche, les aider à collecter des données pertinentes, et ensuite les soutenir pour interpréter leurs résultats à la lumière de preuves plus larges provenant de la littérature sur la mise en œuvre. »

Son équipe participe déjà à divers projets de soins virtuels ou numériques, concevant la manière dont les interventions seront déployées. Les patients partenaires jouent un rôle clé dans ces projets, que ce soit pour décrire de quelle façon les médecins devraient préférablement parler aux patients des interventions numériques ou pour indiquer selon quels critères le succès devrait préférablement être déterminé, par exemple.

« Avec les soins virtuels, qu’il s’agisse de demander à un médecin de recommander une application ou d’utiliser une nouvelle technologie pour interagir avec son patient ou un autre médecin, un changement de comportement est toujours nécessaire », dit‑il. « Nous devons utiliser des approches de mise en œuvre bien pensées, structurées, inspirées des sciences du comportement. Sinon, la loi inverse des soins s’appliquera : les personnes qui en ont réellement besoin ne recevront pas les soins nouveaux, mais celles qui s’en tireraient peut‑être bien sans ces soins y auront accès. Nous devons trouver des moyens de supprimer les obstacles afin que les personnes pour qui les traitements et les modèles de soins nouveaux seraient les plus bénéfiques en tirent effectivement parti. »

En travaillant plus étroitement avec l’USSO à l’avenir, les Drs Bhatia et Ivers espèrent mettre à disposition les ressources et l’expertise permettant d’intégrer les soins virtuels axés sur le patient dans le système de santé provincial.