Un regard sur le Nord
Par Kim Barnhardt
Les communautés, les relations, l’équité, le respect et l’écoute sont au cœur des valeurs du Centre de recherche en santé dans les milieux ruraux et du nord (CReSRN), un centre de recherche de l’USSO qui se consacre aux besoins des communautés du Nord de l’Ontario.
Dans son travail, le Centre adopte une approche très axée sur la communauté, avec un accent particulier sur les communautés rurales, autochtones et francophones.
« Notre situation géographique nous rend uniques, c’est pourquoi tisser des liens est primordial », déclare la Dre Diana Urajnik, directrice de recherche au CReSRN de l’Université Laurentienne, à Sudbury. « Nous sommes dans une région rurale et nordique, et en captant la voix d’une région aussi vaste, nous rejoignons les gens là où ils sont ».
S’appuyant sur les travaux des docteurs Wayne Warry, Kristen Jacklin et Jennifer Walker, dont les recherches étaient axées sur les communautés autochtones et les aînés, ainsi que sur les travaux de base du Dr Alain Gauthier sur la santé des francophones, la Dre Diana Urajnik attribue à l’USSO le mérite d’avoir jeté les bases du succès.
« Cela témoigne de l’importance du financement de la SRAP et de l’USSO, qui a permis la réalisation de ce projet en finançant toutes ses autres composantes. Le financement de base de l’USSO nous a ouvert des portes vers d’autres sources de financement, dans tous les domaines, et nous a permis de répondre aux priorités des communautés », explique‑t-elle.
Leur approche est adaptée aux besoins des communautés locales et, bien que la recherche axée sur le patient soit une évolution naturelle des travaux antérieurs du CReSRN, leur point de vue se distingue de celui d’autres régions de la province.
« La recherche axée sur le patient a été un prolongement naturel, mais pour nous, la question était : en quoi est-ce différent? J’aime parler d’engagement communautaire. Le terme “patient” doit être utilisé au sens large; dans le Nord, il est davantage question de relations avec les communautés, la famille et la terre. C’est une approche très différente; il ne s’agit pas du patient, mais de la famille, de la communauté, des relations. Le défi est de savoir comment le décrire », explique-t-elle.
Les francophones au cœur des priorités
Le Dr Patrick Timony, responsable de la santé des francophones au CReSRN et chercheur associé principal, s’intéresse à l’intersection entre la langue et les soins de santé. Il cherche à comprendre comment la langue influence les soins, la santé des francophones, la qualité des services en français et l’expérience des patients.
Dans le cadre de ses recherches, l’équipe du Centre a mené un sondage afin de déterminer si la langue parlée avec un médecin avait une incidence sur la satisfaction des patients. Elle a constaté que les patients francophones étaient plus satisfaits lorsque leur fournisseur offrait de façon proactive des services en français, ce que l’on appelle l’« offre active » de services dans les deux langues officielles dans les services gouvernementaux.
« C’est une stratégie organisationnelle qui encourage les fournisseurs à prendre l’initiative d’offrir des services en français, sans attendre qu’on le leur demande. C’est au fournisseur de demander au patient quelle langue il préfère », explique le Dr Timony. « Il s’agit d’une stratégie de communication axée sur le patient, avec une touche de la langue de Molière. »
Ce travail a donné lieu à d’autres projets auprès d’immigrants francophones, qui ont consisté à les dénombrer à Sudbury, à déterminer leurs besoins, et à collaborer avec des organismes communautaires. Par exemple, un projet mené en collaboration avec le Centre de santé communautaire du Grand Sudbury a permis de créer une série d’aide-mémoire pour aider les fournisseurs de soins à poser des questions précises aux immigrants francophones, dont les préoccupations de santé peuvent varier en fonction de leur pays d’origine.
« Nous nous intéressons beaucoup à la santé des francophones du Nord du Canada et collaborons avec des experts de la santé des immigrants francophones », indique le Dr Timony.
Une autre initiative de recherche intéressante, menée en collaboration avec l’Ontario Pharmacy Evidence Network, a analysé la répartition géographique des pharmaciens francophones, dans le sillage d’une analyse semblable des médecins francophones.
« Nous constatons toujours la même chose : dans une communauté, à mesure que la population francophone augmente, le nombre de fournisseurs de soins francophones diminue. C’est paradoxal, mais c’est dans les communautés où moins de 10 % de la population parle français qu’il y a le plus grand accès à des fournisseurs de soins francophones. »
Il suggère que ce résultat, qui semble contre-intuitif, pourrait être lié à la capacité des professionnels de la santé de fournir des soins.
« Bien que 11 % des fournisseurs de soins soient capables de fournir des soins en français, seuls environ 5 % le font au travail, signe qu’il y a un potentiel inexploité », explique le Dr Timony. « Les médecins francophones des communautés francophones du Nord travaillent 5 heures de plus par semaine et voient 20 patients de plus que leurs homologues unilingues anglophones. Peut‑être craignent‑ils d’être submergés de patients francophones s’ils indiquent que le français est une langue de compétence. »
Une géographie nordique et rurale
Tout comme le territoire est au cœur des préoccupations des communautés autochtones, le sentiment d’appartenance est primordial pour le travail du CReSRN, et c’est pourquoi il est essentiel de tisser des liens à l’échelle locale.
« Notre situation géographique nous rend uniques; ici, les besoins sont beaucoup plus concrets », indique la Dre Urajnik. « Pour soutenir la recherche axée sur le patient, il faut le bon état d’esprit, des ressources et des investissements dans le personnel local. Développer et maintenir la capacité de recherche axée sur le patient dans le Nord implique de tenir compte des points de vue des populations locales qui comprennent le contexte. »
Tous les projets ont au minimum, dès le départ, un comité consultatif composé de patients partenaires et d’experts qui peuvent également être invités à participer à la gestion des projets, à la recherche, ainsi qu’au soutien à l’interprétation et à l’application des connaissances. Le renforcement des capacités des jeunes chercheurs pour qu’ils comprennent les besoins uniques des communautés du Nord est aussi un aspect important du travail.
Travaillant dans une zone géographique si peu densément peuplée, les chercheurs reconnaissent qu’il y a des limites.
« L’un des défis de la recherche axée sur le patient dans le Nord est que ce sont souvent les mêmes patients partenaires qui reviennent sans cesse; cela finit par être la voix d’un petit groupe de personnes, les mêmes voix. C’est pourquoi il est important de travailler avec des groupes communautaires locaux qui ont la perspective de l’ensemble du Nord », reconnaît le Dr Timony. Des partenaires essentiels sont entre autres le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario et les Maamwesying North Shore Community Health Services. « Les bases posées depuis nos débuts en tant que centre de l’USSO nous ont permis de renforcer les partenariats existants comme ceux-ci et d’en forger de nouveaux », indique la Dre Urajnik.
Grâce à cette perspective unique, à ses liens globaux avec la communauté et à l’importance qu’il accorde aux relations, le CReSRN est bien placé pour apporter des bénéfices aux communautés du Nord, des résidents de longue date aux nouveaux arrivants, en passant par les étudiants des établissements d’enseignement postsecondaire de la région.